Antumbra

23.09–03.10.21

Exposition de fin de résidence de François Fleury au Garage MU
Vernissage le jeudi 23 septembre 2021 de 18h à 21h

Finissage le Dimanche 3 octobre
Visites sur rendez-vous du 24 septembre au 3 octobre 2021
Contact : 06 76 19 67 85

Garage MU - 45 rue Léon Paris

Unmbra, penumbra et antumbra sont des termes caractérisant diverses instances de l’ombre, en général utilisés pour les corps célestes. L’antumbra, dans ce contexte, est l’ombre d’un astre sur un autre lors d’une éclipse, avec parfois un halo lumineux, par exemple lors d’une éclipse annulaire dans l’anté-ombre du soleil par la lune. La première partie de l’exposition de François Fleury, qui montre quatre photographies en noir et blanc, renvoie symboliquement à cette absence de lumière par occultation. Esthétiquement, par le choix de noirs profonds et de contrastes tranchés, et conceptuellement avec des sujets ayant des références ambiguës. Comme des papillons, souvent associés à la transformation et la renaissance, mais aussi emblèmes de la mort par leur inconsistance physiologique et leur vie éphémère, ou encore, comme ici, avec leur capacité à ravager une récolte. Ou bien le paradoxe d’un bateau, symbole de liberté et de voyage, ou de son contraire lorsqu’il est devenu épave.

Au centre de l’exposition se trouve une maquette de Black Maria, le premier studio de cinéma au monde, construit par Thomas Edison en 1893. Cette étrange bâtisse en papier tournait sur elle-même et c’est du toit ouvrant que venait la lumière indispensable à l’impression de la pellicule. C’était un croisement entre un studio de prises de vue, un théâtre et un vaisseau pirate, où l’on tournait des films courts de moins d’une minute pour alimenter les Kinetoscopes Parlors (salons Kinetoscopes) où le public pouvait les visionner en boucle dans un dispositif individuel avec loupe et œilleton, probablement assez proches d’un peep-show. Ce surnom vient du papier goudronné qui le recouvrait et de la peinture intérieure entièrement noire, ainsi qu’en référence aux fourgons de police de l’époque qui portaient le même sobriquet et la même couleur.

Un des films qui y est tourné, en 1894, fait apparaître pour la première fois des Indiens au cinéma ou (proto cinéma). Il montre la Danse des esprits pratiquée par des Sioux Lakotas adeptes de la nouvelle religion fondée par le shaman autochtone Jack Wilson Wovoka. A la suite de l’éclipse solaire de 1889, il a la révélation d’être le Messie de son peuple pour la cause amérindienne. La danse durait trois à quatre jours, en continu pour suivre la course du soleil. Aujourd’hui encore elle sert à commémorer le massacre de Wounded Knee où moururent 370 natifs en 1890.

La maquette est soutenue par deux cyanotypes présentant un photogramme du film Ghost dance et des documents d’archives ayant servi à l’enquête de l’artiste pour retrouver les dimensions du Black Maria. L’un, sur papier millimétré, montre le photogramme du film d’un chef Sioux dans la version édulcorée et assujettie du Wild West Show de Buffalo Bill, l’autre des images d’archive du Black Maria, qui fut fermé en 1901 après l’apparition du cinématographe, et détruit en 1903.

Enfin, une troisième référence est présente par un assemblage de dix-huit cyanotypes qui récréent le rythme et la structure de l’arbre de vie formé par les Sephiroth de la Kabbale. S’y ajoute une sculpture miniature posée sur le mur adjacent qui compose un genre de molécule fictive, elle aussi adaptée de l’arbre de vie et proche de l’échelle de couleur occulte de la Golden Dawn dévoilée par Aleister Crowley (Queen Scale Colors). Cependant, un examen plus attentif montre que la source des Sephiroth photographiés (des photogrammes de prothèses mammaires) est beaucoup plus terre-à-terre que le monde supérieur et magique suggéré à première vue.

A moins que toute l’exposition ne parle précisément de cette difficile oscillation permanente entre le sacré et ce qui est le plus abruptement matérialiste, passages incompréhensibles à l’échelle humaine.

Manuela de Barros

François Fleury

+

François Fleury est un photographe, un iconographe, un archiviste et un collectionneur insatiable d'images. Son rythme de travail alterne entre des prises de vue qu 'il réalise en différents points du globe et un travail d'éditing de ces images qu'il diffuse dans le cadre d'expositions et de projets éditoriaux. Ses voyages se font en lien avec des sujets qu 'il souhaite sonder par lui-même, au contact d'une réalité non médiatisée qu 'il va chercher par ses propres moyens. Cette matière première d'images se produit essentiellement au contact de cultures encore peu assimilées au développement capitaliste, lors de séjours prolongés en différents continents, au sein de communautés sous-représentées vivant en marge des grandes métropoles. François Fleury a également réalisé de nombreux voyages dans des pays détruits par la guerre, portant alors son attention sur des organisations de vie repensées dans l'urgence, au sein d'environnements hostiles. Sa photographie est le support d'une réflexion sur l'humain, elle est guidée, motivée par ce que toutes ces situations de vie lui disent de la société qui est la sienne. Bien que nourri par ses lectures de voyageurs et d'anthropologues, François Fleury ne se définit pas comme un auteur de documentaires. Il cherche à traduire une émotion ressentie au contact de peuples évoluant dans un environnement où la nature prédomine, ou vivant dans des paysages urbains en ruine. En côtoyant des existences que les infrastructures économiques et sociales ne portent plus, il observe comment il est encore possible d'exister. Ce qu'il trouve d'humanité dans ces conditions fragiles, parfois extrêmes de survie, lui indique ce qu 'il cherche à titre personnel, en tant qu'artiste.Ses voyages l'ont conduit en Afghanistan, en Bosnie Herzégovine, au Pakistan, en République du Congo, au Brésil, au Japon et dernièrement au cœur de la forêt Amazonienne où il a réalisé le film Waimaha, alternant entre récits mythologiques contés par des chamanes amérindiens et images construites en écho à leurs paroles. Durant le confinement, il a revisité un ensemble de ses photographies à travers la technique du cyanotype, ce procédé ancien de tirage exacerbant leur matérialité, leur grain et leur structure compositionnelle à la façon de tableaux.
Marguerite Pilven

francoisfleury.vsble.me